8 juillet 1867, naissance de Käthe Kollwitz à Königsberg

Extraits des « Souvenirs » de l’artiste qu’elle écrivit en 1923 à la demande de son fils, Hans.

Souvenirs
« Quand je suis née, mes parents avaient déjà eu quatre enfants. Nous vivions alors à Königsberg au numéro 5 de la rue de la Digue-aux-Saules. Je n’ai qu’un vague souvenir de la petite pièce où je dessinais, par contre je me souviens nettement des cours et des jardins. Nous passions par un petit jardinet pour aller dans une grande cour qui s’étendait jusqu’à la rivière, la Pregel. Là, accostaient des barques plates emplies de tuiles qu’on déchargeait dans la cour et empilait les unes sur les autres. Les espaces libres ménagés entre les piles de tuiles étaient un terrain de jeu pour nous et notre mère.

Käthe Kollwitz à 5 ans – 1872

Attenant à la cour, sur la gauche, un jardin avec son pavillon rond sur pilotis descendait également jusqu’à la Pregel. J’ai le souvenir d’avoir, un jour, entendu ma tante Lina, toute jeune encore, chanter dans ce pavillon. C’était magnifique quoique empreint de tristesse. Sur la droite, des bâtiments bas séparaient cette cour d’une autre qui n’avait qu’une ouverture sur l’extérieur. Des souvenirs forts et très présents à mon esprit sont liés à cette cour. En bas, sur les bords de la Pregel, il y avait un bateau lavoir où, un jour, on a retrouvé flottant, le corps d’une jeune fille morte. Le corbillard des pauvres est venu la chercher, un corbillard et un cercueil qui faisaient froid dans le dos.
Dans les bâtiments longs et bas qui séparaient les deux cours habitait un plâtrier ornementiste. J’étais souvent chez lui et le regardais faire ses moulages. Je sens encore l’odeur du plâtre mouillé qui emplissait la pièce basse.
Devant la maison, en partant de la cour, il y avait un passage qui menait à notre rue. Il arrivait que nos jeux nous conduisent par là, mais c’était plutôt rare ; les grands, eux, y passaient parfois à toutes jambes. Les petites nattes de Liese Ratke se défaisaient toujours quand elle courait ; alors son épaisse chevelure blonde comme les blés flottait au vent tel un drapeau.

Jusqu’à mes neuf ans nous avons habité rue de la Digue-aux-Saules. Nous, les enfants, en avons toujours gardé un souvenir nostalgique. Les cours étaient un espace où nous pouvions jouer sans fin aux aventuriers ».

(« Mais il faut pourtant que je travaille » – page 121- Éditions « L’Atelier Contemporain » 2019 Traduction de l’allemand : Sylvie Pertoci)